Entretien

Claire Grolleau, fondatrice de Label Vie : amener l’écologie dans le secteur de la petite enfance

Bouts de bois, terre et cailloux : retrouver l'élan de la nature avec les tout petits

Claire Grolleau, fondatrice de Label Vie © Label Vie

Ecrit par Mathilde de Mon Quotidien Autrement

Donner la possibilité aux enfants de grandir en phase avec leur environnement se joue souvent en dehors de la famille, dès l’heure de la crèche ou de la garde chez l’assistante maternelle. C’est dans ce but que la scientifique Claire Grolleau, 56 ans, a imaginé il y a déjà près de 15 ans l’association Label Vie, qui distribue les labels Écolo Crèche, Éco-accueil petite enfance et Éco-accueil loisirs. Avec le souhait d’embarquer le secteur de la petite enfance sur la voie de la transition écologique.

Pourquoi avez-vous importé des réflexions écologiques dans le monde de la petite enfance ?

J’ai une formation de scientifique en tant que toxicologue et microbiologiste. Le monde de l’écologie m’est familier par ce biais. J’ai d’abord travaillé dans le secteur de l’industrie chimique, avant de le quitter car cela ne correspondait pas à ma façon de voir les choses. Nous étions alors en 1998 et le développement durable, pour moi, n’était pas une option. C’était un instinct de survie. J’ai alors créé une association d’éducation à l’environnement avec laquelle j’ai pensé à plusieurs projets. Ils ont été bousculés par des refus, car nous avions sans doute un temps d’avance, et par l’arrivée de mon premier enfant.

De quoi vous êtes-vous alors aperçue ?

J’ai été très surprise de voir que les adultes éloignaient les enfants de la nature en général. Ils leur interdisent de toucher la terre en leur disant que c’est sale. Ils leur disent de ne pas lécher les cailloux. Ils pensent immédiatement qu’un bout de bois va engendrer des échardes ou crever un œil. Ou encore que toutes les plantes sont toxiques. Bref, tous les éléments naturels sont diabolisés.

Mais les adultes se trompent de risques ! En tant que toxicologue, j’ai été très choquée de voir à l’inverse tous les produits toxiques qu’on imposait partout aux enfants (et aux adultes autour aussi, d’ailleurs).

Face à ce constat, qu’avez-vous entrepris ?

J’ai d’abord mené des ateliers dans la crèche de mon fils. J’amenais des matières naturelles pour qu’on les découvre ensemble et qu’on fasse des activités avec. Nous sommes allés découvrir des milieux naturels. Nous avons fait du jardinage en faisant aussi bien des semis, du binage que du mélange de fumier. Nous avons fait de la peinture et de la teinture végétales…

Mais cela n’avait lieu que lorsque j’étais disponible. Ces pratiques disparaissaient dès que je n’étais plus là. J’ai alors réfléchi à un moyen de former les professionnels, pour qu’ils s’emparent de ces idées et que cela devienne leurs propres pratiques. Avec l’objectif d’en faire une démarche globale, d’embarquer tout le personnel et les parents. J’ai commencé à faire ça à Marseille, où je résidais.

C’est à ce moment-là qu’est né Label Vie ?

Oui, c’est ça, même si l’association ne s’appelait pas comme ça au début. Assez rapidement, des partenaires et des fondations nous ont incités à exporter cette démarche hors de Marseille. Nous avons alors développé un référentiel complet avec un comité national, composé notamment de représentants de l’Ademe (agence de la transition écologique) et du ministère de l’Écologie. C’est en 2009 que nous avons proposé cela sous la forme d’une labellisation.

Comment cette labellisation fonctionne-t-elle ?

Cela part d’une démarche volontaire d’un établissement. C’est important pour qu’il y ait une vraie dynamique. Dans un premier temps, nous formons le directeur ou la directrice de la crèche au « management environnemental ». C’est-à-dire à la façon d’embarquer toute son équipe sur les questions d’écologie. Car la labellisation ne fonctionne que si les idées viennent du terrain, que si tout le monde à son mot à dire.

Ensuite nous avons un outil de diagnostic en ligne avec 500 questions. Cela permet à l’établissement d’évaluer son impact et de découvrir le champ des possibles pour agir. À partir de ces résultats, la crèche définit un premier plan d’action et évalue les difficultés pour mettre en place ses projets. C’est à ce moment-là qu’on intervient via de la formation pour lever ces obstacles : pour leur dire comment trouver les moyens ou adapter ceux à leur disposition, pour faire découvrir la réglementation, etc. Nous organisons aussi des temps de partage entre les crèches pour qu’elles s’entraident.

Il faut entre un et trois ans pour obtenir le premier label, puis il doit être renouvelé tous les trois ans. Nous avons aussi élargi cette labellisation aux assistantes maternelles (label Éco-accueil de petite enfance) et aux centres de loisirs (label Éco-accueil loisirs), dont la démarche est globalement la même. Un peu moins lourde pour les assistantes maternelles et avec plus d’implication des enfants pour les accueils de loisirs. Aujourd’hui, nous avons 1000 établissements embarqués dans la démarche et 338 qui ont obtenu l’une de ces labellisations.

Comment voyez-vous l’avenir de Label Vie ?

Notre souhait, c’est qu’il y ait le plus possible de crèches notamment qui obtiennent le label. Nous visons 2 500. Nous espérons que cela permettra ainsi de générer un changement systémique du monde de la petite enfance. Nous effectuons aussi un travail de sensibilisation avec les pouvoir publics, pour qu’ils imposent des critères sociaux et environnementaux dans ce secteur.

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