Reportage
Visite d’une ferme en agriculture raisonnée où les vaches sont libres
Damien Moan, éleveur : "Les vaches, elles font leur vie pépère."
Nous avons suivi Damien Moan dans sa ferme en agriculture raisonnée. Il s’agit du Gaec de Kerspern au Cap Sizun, dans le Finistère breton. Damien Moan a travaillé 10 ans comme sérigraphiste avant de reprendre une formation d’agriculteur. Il est retourné en 2008 dans la ferme familiale. En 2018, lorsque ses parents ont pris leur retraite, il a robotisé le bâtiment.
Nous allons à la découverte de l’agriculture raisonnée, en discutant au milieu des vaches sur le bien être animal, la conservation du sol et les (fortes) contraintes économiques.
Une ferme en agriculture raisonnée, comment ça fonctionne ?
Chez nous, les vaches ont un accès libre à la table d’alimentation, au couchage ou au robot (de traite). Elles peuvent aussi sortir pâturer durant la journée comme elles le veulent. Lorsqu’elle a eu son veau, la vache peut venir se faire traire entre trois et quatre fois sur 24 heures. Le nombre de traites va se réduire à mesure qu’elle avance en lactation.
Ce système me libère de l’astreinte de la traite manuelle, où on commençait le matin à 6h jusqu’à 8h30. Et on recommençait le soir à partir de 16h30. J’ai toujours du travail autour des vaches pour des soins, l’alimentation, le nettoyage des logettes, mais c’est beaucoup moins physique.


Avez-vous observé un comportement différent chez vos vaches ?
Avec la robotisation, les vaches sont beaucoup plus calmes parce qu’on va moins souvent parmi elles. Il y a par exemple un robot pour racler le sol, alors qu’avant on passait avec le tracteur. Maintenant, on ne les dérange plus, hormis le matin et le soir pour faire le tour. Le reste du temps, elles font leur vie pépère.

Chaque vache dispose d’un espace individuel, les logettes. Pourquoi est-ce important ?
Cet espace permet à la vache de ne pas être dérangée par les autres. Il y a 60 logettes, une par vache. Le système d’avant, sur la paille, était prévu pour 45 vaches, et on en a mis jusqu’à 60 ! Il suffisait qu’une bouge pour déranger les autres.
Là, elles sont allongées, personne ne les dérange. Et elles sont au sec. Niveau confort, c’est bien mieux que sur la paille : elles sont sur un matelas. Depuis qu’on est passé en agriculture raisonnée, elles sont moins malades aussi. Avant en hiver, on avait beaucoup d’infections dues à l’humidité de la paille et le manque de place.


Vous nourrissez vos vaches principalement avec votre propre production. Que cultivez-vous ?
Ici, les vaches pâturent un peu, mais l’herbe qu’elles mangent à l’extérieur ne suffit pas pour la production de lait. Il est produit essentiellement avec ce qu’elles ont sur la table d’alimentation : du maïs produit sur la ferme, de l’ensilage d’herbe, de l’ensilage de maïs.
Tout est produit sur les terrains de l’exploitation. C’est mis en silo pour conserver, afin qu’elles aient à manger toute l’année. Cette année par exemple, il fait très sec depuis fin juin. Elles n’ont plus rien à manger dehors, donc on leur donne des stocks qu’on a fait au printemps.
Parlez-nous de votre façon du cultiver…
On a arrêté de labourer les terrains il y a une quinzaine d’années. Et je suis passé en agriculture de conservation des sols en 2022. Il s’agit de ne plus toucher à la terre. On travaille juste la surface du sol, avec des outils spécifiques pour semer.
Je trouve préférable de garder la vie de mon sol et ne pas la défaire tous les ans, de laisser les vers de terre faire leur travail. Moins on touche, mieux c’est ! Le sol n’est jamais laissé à nu : dès qu’on finit une récolte, on replante. Ça permet d’éviter l’érosion de la terre.
Bon, on va aussi parler du glyphosate. C’est un produit presque indispensable pour nous. Le labour permet d’enfouir toutes les mauvaises herbes ou adventices. Comme on ne laboure plus, tout reste en surface et donc repousse plus souvent. Mais on ne l’utilise que lorsque c’est nécessaire.
Vous utilisez d’autres traitements phytosanitaires ?
On passe un herbicide pour éviter qu’il y ait trop de mauvaises herbes. On utilise des fongicides sur le blé pour éviter les maladies. L’année dernière, il y avait un temps très humide et beaucoup de maladies. On a dû faire deux traitements de fongicides.
On ne fait pas ça par plaisir, mais pour sécuriser notre revenu. Si on investit pour semer et qu’en retour, on n’a rien, on perd de l’argent. Au prix des produits phytos, on devrait s’en passer. Mais on n’y arrive pas. Ce n’est pas de gaieté de cœur. Et en plus ce n’est pas bon pour nous de respirer tout ça.
Vous accueillez des visiteurs pour leur faire découvrir votre exploitation ?
Oui. Les gens sont très intéressés et curieux. Quand on leur dit qu’il y a un robot qui trait les vaches, ils sont surpris. Ils posent des questions. Ce sont mes parents qui font les visites. Je dis aux gens qui veulent voir, venez voir, vraiment !
Contact :
Damien Moan de la Ferme Gaec de Kerspern
Cap Sizun, Finistère, Bretagne
Tél : 02 98 70 02 67
Pas de commentaires