Portrait
Jane Goodall : sa vie au service des chimpanzés
On lui doit de nombreuses avancées scientifiques et une sensibilisation sans relâche à la nécessité d'arrêter les dégâts créés par l'homme sur la nature.

Jane Goodall, la primatologue britannique, spécialiste des chimpanzés, est morte le 1er octobre, à l’âge de 91 ans. La scientifique a consacré sa vie à l’étude des grands singes et à la cause environnementale.
Un destin loin d’être tracé d’avance
Issue d’une famille londonienne modeste, Jane Goodall n’était pas destinée à cette brillante carrière de scientifique. Elle n’avait pas les moyens de poursuivre des études universitaires et c’est avec un diplôme de secrétaire qu’elle entame sa vie professionnelle. Toute petite pourtant, elle rêvait de consacrer son métier aux animaux. Comme nous le raconte Le Monde, sa rencontre avec le paléontologue Louis Leakey, lors d’un voyage au Kenya en 1957, marque un tournant.
Après l’avoir embauchée comme assistante, il l’envoie sur le terrain afin d’avoir un regard neuf sur ses recherches, loin de toutes les théories scientifiques existantes. C’est en 1960, que Jane Goodall se retrouve pour la première fois à observer les chimpanzés, en Tanzanie. Elle est alors âgée de 26 ans.
Une nouvelle approche de la nature
Le but initial de la recherche orchestrée par Louis Leakey ? Observer les chimpanzés sauvages, qui selon lui aiderait à comprendre le comportement des premiers hommes. Jane Goodall a fait bien plus que ça. Dès la fin de l’année 1960, elle observe que ces grands singes créent leurs propres outils pour chasser les termites. Alors que cette compétence était jusque-là attribuée exclusivement aux humains. Elle constate qu’ils enlèvent les feuilles de grandes tiges pour les insérer dans les terriers.
Cette découverte majeure lui vaut de faire les gros titres, mais aussi d’obtenir en 1965 un doctorat d’éthologie à Cambridge. C’est également à cette période qu’elle rencontre son mari, le photographe-cinéaste Hugo van Lawick. Toujours en 1965, démarre la construction du centre de recherche de Gombe Stream (Tanzanie), financé par la National Geographic Society.
Parmi ses recherches, les émotions des chimpanzés occupent une grande place. Une idée rejetée par ses confrères à l’origine, mais à laquelle, avec une grande patience, elle a su faire une place.
Ce qui est également novateur, c’est sa façon de travailler. De longues observations, une immersion dans l’habitat naturel des primates. Alors que la pratique de l’époque était plutôt de les étudier en laboratoire ou au sein des zoos.
En 1977, elle crée l’Institut Jane Goodall. Il s’agit aujourd’hui d’une ONG internationale de conservation, œuvrant à la protection des chimpanzés, de leurs habitats naturels et plus largement de la faune sauvage.
Une lutte sans relâche pour la protection de l’environnement
Enfin, ce sont les années 1980 qui marquent le tournant activiste de la chercheuse. À force d’observer les primates, elle se rend vite compte de la menace qui plane sur leurs lieux d’habitation, à cause de l’activité humaine.
Un combat qu’elle a mené jusqu’à son dernier souffle : elle n’a cessé de sensibiliser sur les dérèglements environnementaux lors de prises de paroles publiques, toujours accompagnée de son chimpanzé en peluche, « Mr.H ».
« Je suis fière de deux choses. Premièrement, d’avoir aidé la science à cesser de décider que nous, les êtres humains, sommes les seuls êtres vivants de cette planète dotés d’une personnalité, d’un esprit et d’émotions. En 1961, on m’a dit qu’il s’agissait d’un phénomène propre à l’homme. Et j’ai su, dès l’enfance que ce n’était pas vrai grâce à mon chien, mon professeur… Et la deuxième chose qui me rend très fière est le lancement du programme pour les jeunes, à l’institut Jane Goodall, qui s’appelle « Roots & Shoots ! » et qui permet aux jeunes de choisir leurs projets afin de rendre le monde meilleur pour les hommes, les animaux et l’environnement. »
— Jane Goodall, C à vous, 14 décembre 2023
Quelques citations de Jane Goodall :
- « Nous devons lutter contre le mode de vie consumériste de tous ceux qui ne sont pas les plus pauvres. Nous avons à notre disposition bien plus de choses que ce dont on a besoin, et la plupart des gens gaspillent une quantité incroyable de nourriture quand d’autres meurent de faim. » (Entretien pour Le Monde, 05/01/19)
- « Les maladies communément appelées « grippe aviaire » ou « grippe porcine » sont le résultat du conditionnement des volailles et des porcs. Et les animaux domestiques sont eux aussi des êtres sensibles qui éprouvent de la peur et de la douleur. » (Tribune dans Le Monde, 02/05/20)
- « Mon espoir est qu’une compréhension de ce que le monde devrait être, accompagné de la prise de conscience que la pandémie actuelle est liée à notre manque de respect pour le monde naturel, encouragera les entreprises et les gouvernements à allouer plus de ressources au développement d’une énergie propre et renouvelable, à l’atténuation de la pauvreté et à aider les personnes à trouver des alternatives pour gagner leur vie sans que cela n’implique d’exploiter la nature ou les animaux. » (Tribune dans Le Monde, 02/05/20)
- « Faites que nous prenions conscience que nous faisons partie du monde naturel et que nous dépendons de lui pour notre nourriture, notre eau et notre air. Faites que nous reconnaissions que la santé des personnes, les animaux et l’environnement sont connectés. Faites que nous soyons respectueux des autres, mais aussi de tous les animaux sensibles et de la nature. Dans l’intérêt du bien-être de nos enfants et des leurs, et pour la santé de cette magnifique planète Terre, notre seule demeure. » (Tribune dans Le Monde, 02/05/20)
- « Si nous ne mettons pas un terme à la perte de biodiversité, cela ne fera qu’aggraver le changement climatique. Ces deux aspects sont liés. Si nous n’arrêtons pas de nuire à l’environnement, aux animaux, en détruisant leur habitat, alors nous sommes condamnés. N’oubliez pas que, chaque jour qui passe, chacun d’entre nous a un impact sur la planète. À nous de choisir lequel. » (Entretien pour Vert, 15/12/23)
- « Je crois fermement que nous avons une fenêtre d’opportunité pour agir face à la crise climatique et écologique. Mais il y a un grand «si». Si nous nous réunissons et agissons. Si nous parvenons à persuader les entreprises de commencer à y réfléchir. Nous devrions parler de durabilité avec les politiciens et les entreprises. Cela commence d’ailleurs à se produire. » (Entretien pour Vert, 15/12/23)
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