Des gens qui se bougent
Des citoyens victimes des pesticides prennent la parole
Il est urgent d'entendre leur colère.
Cet été, des dizaines de citoyens victimes de pesticides se sont fait entendre. Et pour cause : début juillet, l’Assemblée a voté en faveur de la loi Duplomb.
Cette dernière permettait, entre autres, une utilisation facilitée des pesticides nocifs pour la santé humaine et la biodiversité. Face à cette adoption, des millions de citoyens se sont mobilisés au travers d’une pétition demandant son abrogation. Résultat : plus de 2,1 millions de signatures.
Le 7 août, le Conseil Constitutionnel a censuré les articles permettant la réintroduction de ces pesticides contenant des néonicotinoïdes, interdits en France depuis 2018. Les juges estimaient les possibilités de dérogation trop larges. La loi a été promulguée quelques jours plus tard.
Qui sont ces citoyens victimes des pesticides, qui ont fait entendre leur colère pendant l’été ?
Les agriculteurs, premières victimes de l’exposition aux pesticides
La loi a été présentée comme « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Et pourtant, nombreux sont les agriculteurs qui sont en colère et qui ont souhaité partager cette colère avec le plus grand nombre. À travers le Collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’Ouest notamment.
Sur France Inter, le 8 juillet, vous pouviez par exemple entendre le témoignage de Gisèle Garraud. À 64 ans, la paysanne, aujourd’hui retraitée, est atteinte de la maladie de Parkinson. La Bretonne disait ne pas comprendre les décisions politiques, en particulier la réintroduction de pesticides dangereux. « Mais ce que je comprends, c’est que la priorité, c’est l’économie et ce ne sont pas les gens », ajoutait-elle. « Je le vis dans mon corps, tous les jours. »
Dans Le Parisien, Raymond Leduc milite pour une forme d’agriculture sans danger pour les paysans. Atteint de la maladie de Parkinson, l’ancien céréalier de 79 ans fut aussi secrétaire national de la Confédération paysanne. Aujourd’hui, il se déplace en fauteuil roulant et le lien entre son état de santé et les pesticides utilisés sur son exploitation ne fait aucun de doute, pour lui mais également son médecin.
Il y a quelques mois, nous avions rencontré Jean-Luc Goudenèche, ancien agriculteur céréalier en Gironde, atteint d’un cancer de la moelle osseuse. Le lien entre cette maladie incurable et l’utilisation de pesticides sur son exploitation a été établi par les médecins, après quelques années d’errance.
Le Collectif Cancer Colère œuvre à politiser la maladie
Le 8 juillet dernier, lorsque la loi Duplomb est adoptée à l’Assemblée nationale, l’activiste Fleur Breteau ne peut pas retenir sa colère. Présente dans l’hémicycle, elle crie à l’attention des députés présents : « Vous êtes les alliés du cancer et on le fera savoir ! ».
À tout juste 50 ans, elle s’est vu diagnostiquer deux cancers du sein au cours des trois dernières années. Comme elle l’a raconté dans Le Monde, les séances de chimiothérapie et de radiothérapie prenant tellement de place dans son quotidien, elle ne peut plus exercer pleinement son emploi de consultante indépendante en RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
C’est au lendemain du vote de la loi par les sénateurs, le 27 janvier dernier, qu’elle crée le collectif Cancer Colère. Forte de plus de 150 membres, l’organisation est aujourd’hui en voie de devenir une association. « Ce que je perçois, c’est que j’incarne les conséquences d’un système qui part en vrille », confie-t-elle à Médiapart.
Camille Bordenet, ancienne malade du cancer et soutien du collectif Cancer Colère
Durant l’été, la journaliste Camille Bordenet, soutien du Collectif Cancer Colère, s’est exprimée sur les réseaux sociaux. À travers un post, elle a annoncé avoir été malade d’un cancer quelques années auparavant. Celui-ci n’étant pas héréditaire, les causes ne peuvent être avancées avec certitude. Mais son enfance en milieu rural, entourée de champs dont certains soumis à l’épandage de pesticides, trace une voie de réponse. Pour le média en ligne Vert, elle a pris la parole pour expliquer l’importance d’une forte mobilisation contre cette loi.
Les liens entre les différentes maladies et la proximité des épandages de pesticides ne sont pas toujours évidents à démontrer. Néanmoins, ils sont reconnus dans des cas de plus en plus nombreux. Il est important que les citoyens concernés aient à cœur de médiatiser leurs parcours. Pour sensibiliser l’opinion publique d’une part et d’autre part celle de nos politiques et institutions. Ce qui semble, en partie, avoir fonctionné.
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