Le point sur
La commission mixte paritaire, ou comment faire passer une loi en douce ?
Un dispositif de plus en plus utilisé qui interroge sur le fonctionnement de notre démocratie.

Si la loi Duplomb est tant décriée, c’est bien sûr avant tout pour les réformes qu’elle entend instaurer.
Mais la promulgation de cette loi pose une autre question. Celle du fonctionnement de notre démocratie. Une démocratie qui a permis à une loi d’être adoptée, sans même avoir été discutée à l’Assemblée nationale, grâce à un dispositif parlementaire méconnu : la commission mixte paritaire.
Car avant même que les députés aient l’opportunité de débattre de cette loi sur le fond, les députés partisans de ce texte ont fait adopter (274 voix pour et 121 contre), une motion de rejet préalable. Renvoyant directement l’examen du texte en commission mixte paritaire (CMP). Où la droite est majoritaire… Et cette situation n’est pas une première. Cet outil est de plus en plus utilisé : loi sur l’autoroute A69, sur le narcotrafic, la réforme des scrutins de Paris, Lyon et Marseille, la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, la refondation de Mayotte… tous ces textes sont passés par une commission mixte paritaire (CMP).
Une commission mixte paritaire, c’est quoi ?
La commission mixte paritaire n’est pas un outils nouveau. Elle existe depuis 1959.
Son principe : réunir 7 députés et 7 sénateurs, dans une commission, pour discuter d’un texte sur lequel Assemblée nationale et Sénat ne parviennent pas à se mettre d’accord via la navette parlementaire. Pour qu’une loi soit votée, il faut en effet que le texte soit adopté, dans les mêmes termes, par les deux chambres. La commission mixte doit permettre de trouver un compromis quand les assemblées ont adopté des versions différentes du texte.
Pourquoi est-elle davantage utilisée ?
Cet outil est particulièrement utilisé sous cette législature en raison de la composition de l’Assemblée nationale. Sans majorité, le gouvernement se retrouve en difficulté pour faire adopter ses textes. La tentation de la commission mixte paritaire est grande. D’autant que les membres de cette commission ne sont pas choisis au hasard. Ils sont désignés en fonction du poids politique de leur groupe. De fait, parmi les sept sénateurs désignés, on en trouve cinq proches de la majorité. A l’Assemblée, la répartition des sièges est plus disparate. Mais le résultat est que, deux fois sur trois, le gouvernement dispose mécaniquement d’une majorité au sein de la commission.
Autre motif invoqué pour le recours à cette commission : l’obstruction parlementaire. 3 455 amendements avaient en effet été déposés à l’Assemblée nationale en amont de la lecture de la loi Duplomb. Si nombre d’entre eux étaient évidemment amplement justifiés, d’autres interrogent là encore sur le fonctionnement de notre démocratie. L’un amendement proposait de renommer la proposition de loi en loi de « capitulation face au libre-échange généralisé ». Un autre de remplaçait « un mois » par « trente jours ». Un autre encore reportait l’entrée en vigueur d’un article à 2110.
D’autres moyens utilisés pour contourner l’Assemblée
Ajoutons aussi que la commission mixte paritaire n’est pas le seul outil utilisé par la majorité pour contourner l’Assemblée.
On peut bien sûr citer le 49.3, dont le gouvernement d’Emmanuel Macron ne se prive pas. François Bayrou, Premier ministre depuis décembre, y a déjà eu recours pour le budget de l’Etat 2025 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2025. Avant lui, Elisabeth Borne l’avait utilisé pour les projets de loi des finances 2023 et 2024 et les projets de loi de financement de la sécurité sociale 2023 et 2024, et pour la réforme des retraites 2023.
En recourant au 49.3, le Premier ministre entraîne la suspension immédiate de la discussion du texte à l’Assemblée nationale. Le texte est considéré comme adopté, sans être soumis au vote, sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures qui suivent.
Le gouvernement utilise également fréquemment les décrets pour passer des textes sans les soumettre au Parlement.
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