Entretien

Margaux : « La France regorge de pionniers de l’agriculture durable »

Margaux a créé avec son conjoint une micro-ferme bio en Dordogne. Ils sont adeptes de MSV : maraîchage sur sol vivant.

Margaux Bounine, fondatrice de Happy Cultors

Ecrit par Elsa de Mon Quotidien Autrement

A Belvès, un joli village du Périgord Noir dans le sud de la Dordogne, se niche la micro-ferme de Marcillac gérée par Margaux, 32 ans et son compagnon. Maraîchage sur sol couvrant, agriculture régénérative, biodiversité des sols…  Comment passe-t-on des bancs de la fac de droit à la gestion d’une ferme et d’une association de sensibilisation à l’environnement ? Rencontre – au téléphone – avec une paysanne nouvelle génération.

 

Avant de créer ta micro-ferme, tu as fait un tour de France, seule, des Happy cultors. Raconte-nous ce projet.

J’ai une formation juridique et je cherchais des réponses à mes questionnements environnementaux. J’ai monté un projet d’écovolontariat qui m’a amenée à passer six mois en Amérique du Sud. Une fois de retour, j’ai voulu aller plus loin et reprendre des études en gestion de la biodiversité : j’ai suivi le master Master Bioterre de la Sorbonne.

De fil en aiguille, j’ai pris conscience qu’à travers agriculture, on pouvait avoir un réel effet sur la biodiversité mais aussi sur la santé, le lien social, l’éducation, l’économie… J’ai renouvelé mon expérience d’écovolontariat à l’étranger puis je suis rentrée. J’ai décidé de me lancer dans un tour de France des « Happy cultors » en 2016. Il y a beaucoup de pionniers ici, sur un territoire plus petit. Mon objectif : connaître les différents métiers agricoles possibles pour savoir quel projet professionnel je pouvais lancer.

Cela a été une expérience complète, joyeuse, dans mon « radicar » : ma voiture, taguée au fur et à mesure des étapes, avec un potager sur le toit. Elle marche toujours ! Pendant mon « tour », j’ai communiqué, sur les réseaux sociaux, sur mon blog, pour partager l’espoir porté par ces modèles de fermes viables, durables, et rentables. Cela m’a aussi permis de rencontrer les deux associés avec lesquels j’ai monté la ferme de Marcillac et créé l’association Happy Cultors.

Quelle ferme avez-vous créée ?

On a voulu tester une ferme de maraîchage diversifié sur petite surface – une micro-ferme en somme – tout en bio. On a aussi un élevage de poules pondeuses en pâturage dynamique, c’est-à-dire qu’on les déplace toutes les semaines sur de nouveaux parcs. Grâce à un dispositif (l’Espace-test agricole), on a pu tester avant de s’engager. C’est mon conjoint Hugo, l’un des deux associés, qui développe l’élevage de poules. Il en a mille. Quant à moi, je me consacre presqu’ exclusivement à l’association Happy Cultors.

 

 

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Sur ton blog s’affiche en gros « qui est l’agriculteur du 21e siècle ? » As-tu trouvé la réponse ?

Selon moi, c’est un agriculteur qui s’implique aussi pour la biodiversité, qui pense en système et réfléchit à régénérer son écosystème, en plantant des haies, en récupérant l’eau de pluie.

C’est quoi l’agriculture régénératrice ou régénérative ?

Schématiquement, c’est une agriculture qui apporte plus à l’écosystème qu’elle ne lui prend. On s’inscrit dans un courant qui évolue en parallèle de l’agriculture bio : le MSV, maraîchage sur sol vivant. Cela se base sur trois principes :

  • ne pas travailler le sol (donc ne pas le labourer),
  • toujours le garder couvert (lui laisser une peau),
  • le nourrir avec de la matière organique (broyat paille fumier, plantes qui font de l’engrais vert)

C’est une révolution qui se produit dans l’agriculture ! Pour la première fois depuis 12 000 ans, on se rend compte qu’on régénère les sols en permettant que s’y développe la vie. 50 % de la biomasse se situe dans le sol : les vers de terre et compagnie permettent un sol riche et aéré, qui va stocker plus de carbone que la forêt. La vraie réponse au changement climatique est dans la préservation de nos sols.

L’agriculture conventionnelle dominante laisse les sols à nu, brûlés par le soleil, ce qui tue la micro faune qui est dans la partie supérieure du sol. Ce dernier est appauvri, perd en fertilité, et cela l’expose à un phénomène d’érosion : dès qu’il pleut, ça lessive le sol, tous les nutriments s’en vont dans l’eau. Le résultat : des plantes malades et une agriculture sous perfusion.

 

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Pourquoi parles-tu de révolution dans l’agriculture ?

Les paysans, traditionnellement, amenaient de la matière dans leur sol, mais la recherche scientifique a récemment découvert cette richesse sous nos pieds. Elle était sous-estimée. On a toujours labouré et travaillé le sol pour l’aérer alors que cela se fait naturellement par l’activité microbiologique. Quand on opte pour une agriculture régénératrice, la biodiversité fait son boulot, l’agriculture est plus résiliente et résistante. Avec les aléas climatiques, c’est un fort enjeu !

Quels sont les projets de l’association Happy Cultors cette année ?

L’association est là pour transmettre ces connaissances à un public diversifié. Les expérimentations agricoles durables, c’est super, mais il est aussi important de sensibiliser le grand public et de le rendre acteur de l’amélioration de son écosystème. On va mettre en place des projets qui contribuent à la transition écologique du territoire. Il y a une petite centaine de bénévoles qui agissent avec nous, et douze pôles d’activité (potager pédagogique, animations scolaires et périscolaires, fruits abandonnés, biodiversité, pépinière et semences…)


Pour suivre les projets de l’association Happy Cultors et de la micro-ferme de Margaux et Hugo :

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