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Comment se protéger des pesticides quand on habite à côté d’un champ traité ?

Que prévoit la loi et que faire ?

Les arbres fruitiers sont particulièrement concernés par les épandages. Crédits aleksandarlittlewolf
Les arbres fruitiers sont particulièrement concernés par les épandages. Crédits aleksandarlittlewolf

Écrit par Déborah Berthier

Pulvérisations au petit matin, odeurs chimiques au vent… pour des milliers de riverains, vivre à la campagne rime aussi avec vivre dans les pesticides. Alors, que prévoit la loi et que peut-on vraiment faire pour se protéger ?

Ce que prévoit la loi

L’utilisation de pesticides est interdite depuis 2019 pour les usages non professionnels. Votre voisin n’a donc pas le droit d’épandre des produits phytosanitaires dans son potager maison.

Par contre, l’utilisation de pesticides reste autorisée pour les agriculteurs.  En France cependant, la loi encadre l’épandage à proximité des habitations. Dans les cultures « basses », comme les légumes, il n’est pas autorisé à moins de 5 mètres des habitations. Dans les cultures « hautes », comme les vignes ou les arbres fruitiers la limite atteint 10 mètres. Voire 20 mètres pour les produits les plus toxiques.

Mais ces conditions peuvent être réduites dans certaines communes, via des arrêtés ou des chartes d’engagement locales.

Pourquoi la réglementation est insuffisante

Mais ces distances sont loin d’être suffisantes. Les études scientifiques convergent : vivre à proximité de champs traités n’est pas anodin pour la santé. Une revue systématique publiée dans Environmental Research montre que, même sans contact direct avec les produits, les riverains absorbent des pesticides par l’air qu’ils respirent et les poussières qui s’infiltrent dans leurs maisons. Les chercheurs y soulignent que les distances de sécurité actuelles ne suffisent pas à empêcher la dérive des produits : les molécules peuvent voyager sur plusieurs dizaines, voire centaines de mètres, selon le vent et l’humidité, avant de se déposer sur les sols, les toits ou les jouets des enfants.

Les effets sur la santé sont désormais bien documentés. L’Inserm, dans son Expertise collective Pesticides et Santé (2021), a mis en évidence des liens probables entre exposition chronique aux pesticides et plusieurs pathologies. Des troubles respiratoires, irritations cutanées, perturbations endocriniennes, baisse de la fertilité, et certaines formes de cancers (prostate, lymphomes, leucémies, cancers du sein). Les chercheurs insistent sur la vulnérabilité accrue des enfants et des femmes enceintes, dont l’organisme est plus sensible à ces substances chimiques.

Comment essayer de vous protéger des pesticides ?

D’abord, informez-vous et soyez particulièrement attentifs aux personnes vulnérables :

  • Soyez particulièrement prudent pour les enfants et les personnes vulnérables : les tout-petits, les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées sont plus sensibles aux effets potentiels. Limiter leur séjour extérieur dans la phase d’épandage est prudent.
  • Informez-vous localement. Demandez s’il existe une charte locale d’épandage. Interrogez les agriculteurs voisins. Quels produits sont employés ? A quelles périodes, quelles distances ? Certains arrêtés municipaux ou communautaires imposent un signalement ou une information préalable.

Protégez votre intérieur :

  • Fermez fenêtres et volets durant les épandages. Dès que les pulvérisateurs sont actifs ou qu’on perçoit une odeur ou une brume venant du champ, évitez l’aération.
  • Limitez l’entrée de poussières et de particules. Poser des paillassons, retirer les chaussures en entrant, laver les jouets ou objets qui restent dehors, nettoyer régulièrement les rebords de fenêtres, volets, vitrages. Les études montrent que le nettoyage régulier réduit la présence de pesticides dans la poussière domestique.
  • Surveillez l’arrosage/ventilation. Après une pulvérisation proche, ne pas utiliser immédiatement la ventilation mécanique ni aérer. Si vous avez un accès direct à un jardin ou carré potager jouxtant le champ, limitez les récoltes juste après traitement et rincez abondamment.

Enfin, agissez à l’extérieur de votre habitation :

  • Plantez des haies, arbustes tampons. Un écran végétal (arbustes, haies, arbres) peut réduire une partie de la dérive et créer un filtre entre champ et habitation. Ce n’est pas une garantie totale, mais un « plus ».
  • Limitez l’exposition dans le jardin : éviter de faire sécher le linge dehors lors d’une pulvérisation ou dans les heures qui suivent. Si vous avez un puits, faites analyser l’eau selon la fréquence locale de traitement.
  • Optez, si possible, pour des cultures ou surfaces non traitées sur la partie jouxtant l’habitation : si vous avez influence locale (copropriété, association de riverains), proposez la création d’une zone tampon volontaire non traitée autour de votre habitat ou la mise en place d’un protocole de notification.

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