Entretien

La Fumainerie, premier réseau urbain de toilettes sèches

À Bordeaux, ils se libèrent du tout-à-l'égout.

La Fumainerie

Ecrit par Déborah de Mon Quotidien Autrement

Au début de l’été, l’association bordelaise La Fumainerie va lancer le premier réseau d’assainissement collectif urbain déconnecté du tout-à-l’égout. En clair, un réseau de toilettes sèches en maison ou appartement, en plein Bordeaux, avec système de collecte. L’expérimentation durera deux ans. Mathieu Préel, l’un des initiateurs du projet, nous parle de la Fumainerie.

Comment est né le projet ?

Mathieu Préel : En tant que gérant d’une entreprise de location de toilettes sèches, j’étais régulièrement sollicité par des particuliers qui voulaient installer des toilettes sèches chez eux et qui ne savaient pas nécessairement comment s’y prendre pour l’installation, où se procurer la sciure, que faire de la matière, en pleine ville, sans avoir de jardin. Nous avons donc constitué un petit groupe de citoyens ayant la volonté de créer une réseau urbain de toilettes sèches.

Comment la Fumainerie va-t-elle fonctionner ?

M.P. : Au cœur du projet, nous sommes un groupe d’une dizaine de citoyens. Nous allons être rejoints, début juillet, par une dizaine de foyers supplémentaires qui vont participer à cette expérimentation. L’expérimentation va durer deux ans. Nous allons remplacer leurs WC par des toilettes sèches, qu’ils utiliseront au quotidien. Un nouveau modèle permet de séparer les urines des selles. Une collecte sera organisée et réalisée par le vidangeur de l’association qui viendra chercher les matières en vélo triporteur avant de les conduire auprès des valorisateurs.

Les toilettes sèches imaginées par Un petit coin de paradis.
Les toilettes sèches imaginées par Un petit coin de paradis.

Justement, que deviennent les selles et les urines, une fois collectées ?

M.P. : Nous travaillons avec plusieurs entreprises. Toopi organics va par exemple valoriser l’urine en la transformant en biofertilisant. Nous allons également travailler avec des composteurs qui transformeront les selles en compost. En gros, à terme, l’urine nourrira les plantes et les selles, le sol.

Vous parlez du projet de la Fumainerie comme d’une expérimentation. En quoi cette expérimentation revêt-elle un caractère scientifique ?

M.P. : Cette expérimentation de deux ans comporte trois volets, sur lesquels nous sommes accompagnés et suivis par des partenaires. Le premier volet concerne la mesure de l’impact environnemental de l’installation d’un réseau urbain de toilettes sèches. Nous voulons évaluer les économies d’eau potable, la sortie d’azote du réseau, souvent mal filtrée par les réseaux d’épuration, ou encore la valorisation des nutriments.

Pour cela, nous travaillons avec le Laboratoire Environnement eau et systèmes urbains (LESU), qui s’intéresse beaucoup à la valorisation des nutriments et en particulier au cycle de l’azote. Ce réseau de toilettes sèches doit permettre de reboucler le cycle de l’azote : du champ où poussent les légumes, jusque dans l’assiette des consommateurs, puis dans les toilettes sèches et de retour au champ. Actuellement, l’azote a plutôt tendance à finir dans les cours d’eau, ce qui favorise l’apparition d’algues vertes.

Le deuxième volet concerne l’acceptabilité sociale des toilettes sèches. Nous travaillons avec des chercheurs de la Kedge Business School, l’école de commerce de Bordeaux, qui vont envoyer des questionnaires hebdomadaires aux participants. Nous pourrons ainsi analyser l’acceptation du système au quotidien. Le troisième volet porte sur l’aspect logistique. Cette approche scientifique apporte de la crédibilité au projet.

Comment financez-vous le projet ?

M.P. : Nous bénéficions du soutien des collectivités (Bordeaux métropole, la région, le département) qui ont été plus enclines que je ne l’imaginais à participer au projet. À terme, l’idée serait aussi d’imaginer un mode de financement pérenne pour ce type d’installation. On pourrait imaginer un mode de financement réparti entre les utilisateurs, prêts à payer pour un service écologique, les collectivités, ainsi déchargées d’une partie de la gestion de l’épuration. Environ 30 % des eaux traitées par les stations d’épuration proviennent en effet aujourd’hui du réseau de toilettes. Les valorisateurs pourraient également être une source de financement potentiel puisqu’ils revendent ensuite la matière créée à partir des selles et des urines.

  1. c’est une idée grandiose .Si cela pouvait se réaliser à grande échelle dans le monde.C est un début pour préserver la planète

  2. Le monde de ceux qui chient dans l’eau potable est en train de collapser, logique. Pour l’utilisation des « matières » : transformation de toute la place réservée à la bagnole en potagers et basses-cours. Produire son alimentation est un travail noble et passionnant. On démissionne de nos bullshit jobs, plus besoin de bagnoles.

  3. Quelle superbe idée que ces toilettes sèches, la valorisation de l’urine et des selles, ainsi que de l’accompagnement des personnes acceptant de participer à cette expérience. Si quelque chose de similaire se fait un jour dans la Manche, je signe aussitôt pour y participer!

    1. Bonjour Elisabeth,
      merci pour votre message. Si nous entendons parler d’une initiative similaire dans la Manche, nous nous ferons un plaisir de relayer l’information.

  4. Une innovation grandement bienvenue, à l’image de ce que réalise depuis des années l’entreprise Ecosec sur le territoire national, avec des cabines de toilettes sèches publiques très attractives: http://www.ecosec.fr

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