Entretien

Jean Jouzel : « Le biochar a un énorme potentiel »

Ce charbon noir issu de la pyrolyse de matières organiques stocke du carbone sur des dizaines voire des centaines d'années.

Jean Jouzel, climatologue convaincu de l'utilité du biochar © Alexandra Khlopotova

Ecrit par Mathilde de Mon Quotidien Autrement

Le climatologue et ancien vice-président du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est un convaincu du biochar, un charbon issu de la pyrolyse de matières organiques. Au point d’avoir contribué et de soutenir par sa notoriété le développement de l’entreprise française NetZero, qui en produit au Cameroun et au Brésil. À Mon Quotidien Autrement, il raconte ses atouts environnementaux, pour lutter contre le réchauffement climatique et nourrir les sols.

Qu’est-ce que le biochar et quels sont ses atouts pour l’environnement ?

Le biochar est réalisé à partir de débris végétaux, comme des coques de café. Pyrolysés à 450 degrés et en l’absence d’oxygène pour éviter leur combustion, ils se transforment en un charbon noir très poreux.

Le premier avantage, c’est que ça produit de l’énergie. Évidemment, il en faut déjà pour le chauffer, mais globalement il y a une production d’énergie qui peut se traduire par production d’électricité.

Deuxièmement, le biochar a la propriété d’améliorer la productivité des sols. Ce n’est pas un engrais, mais ce matériau très poreux permet au sol de respirer et l’améliore sur des dizaines d’années. Pas comme les engrais qu’on doit remettre chaque année et dont la production et les émissions contribuent aux gaz à effet de serre…

Troisièmement, le biochar permet de stocker du carbone dans les sols. Et de manière bien plus efficace que des arbres. Un arbre qui stocke du carbone va finir par le rejeter dans l’atmosphère lorsqu’il va mourir. Tandis que le biochar va rester dans les sols sans se décomposer sur des dizaines voire des centaines d’années

Par contre, ce système n’est vertueux que si on part de matières organiques qui ne trouvent pas d’autres utilisations. Surtout pas en produisant de la matière organique pour alimenter ce système.

Comment avez-vous découvert le biochar ?

Je l’ai découvert grâce à Guy Reinaud, rencontré à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines au début des années 2000. Il était déjà très convaincu de l’utilité du biochar, à la fois pour améliorer la productivité des sols et pour stocker du carbone. Il avait alors mis au point une méthode très artisanale pour le fabriquer.

Est-ce un matériau révolutionnaire pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Il a un énorme potentiel. Le Giec estime par exemple qu’il pourrait stocker 2,6 milliards de tonnes de CO2 par an [pour 33 milliards de tonnes émises chaque année, source Banque mondiale, ndlr]. Bien sûr on ne fera pas tout avec le biochar et il faut utiliser différentes méthodes, mais c’en est donc une.

Pourquoi avez-vous décidé de prendre part au développement de l’entreprise NetZero ?

C’est lié à l’histoire de mon amitié avec Guy Reinaud. Président de l’association Pro-Natura International, j’avais déjà rejoint son comité scientifique. Puis son fils et son petit-fils ont décidé de produire de manière plus industrielle du biochar. Ils ont développé des unités beaucoup plus efficaces que ses petites machines artisanales. Un jour, ils sont venus me voir tous les trois pour me parler de la création de cette entreprise et j’ai décidé de les soutenir en prenant une part à 100€. Je me suis aussi dit que ma notoriété les aiderait peut-être à acquérir un peu de visibilité.

NetZero ne déploie sa solution qu’au Cameroun et au Brésil. Le biochar ne pourrait pas être utilisé en Europe ou en France ?

Il existe du biochar en France, mais c’est moins intéressant dans un pays tempéré comme le nôtre. Le biochar présente un potentiel d’amélioration de la qualité des sols bien supérieur dans des régions tropicales équatoriales, où les sols sont plus acides. Aussi parce qu’on y trouve facilement cette matière organique inutilisée. Parce qu’évidemment, pour que le système soit vertueux, il est nécessaire que les résidus végétaux soit à proximité.

L’équilibre économique est donc plus intéressant sur place. Ce sont aussi des pays où l’agriculture est très modeste. Où les paysans ne seraient pas en mesure d’investir eux-mêmes dans des machines et d’assumer le coût d’exploitation des unités de transformation de biochar. NetZero vient donc occuper une place après le processus de production. Par contre, cela signifie que tout le modèle économique repose sur le marché des crédits carbone. Sans ça, le modèle ne tiendrait pas.

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