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Le cadmium : ce métal toxique qui s’infiltre partout

Comment limiter l'exposition ?

Les enfants sont particulièrement exposés en raison de leur alimentation ( leur alimentation – en particulier les céréales, pains et dérivés et les pommes de terre). Crédits Wayhomestudio

Ecrit par Déborah Berthier

On entend souvent parler du plomb, du mercure, parfois de l’arsenic, mais le cadmium reste encore assez discret malgré sa dangerosité. Pourtant, partout autour de nous, ce métal lourd s’accumule, avec des conséquences sur notre santé, nos sols, notre alimentation.

Qu’est-ce que le cadmium ?

Le cadmium est un métal lourd présent naturellement dans la croûte terrestre. Mais ses concentrations sont généralement faibles dans les milieux non perturbés. Le problème survient lorsque l’activité humaine en libère des quantités considérables dans l’air, l’eau et les sols. L’agriculture, par exemple, contribue fortement à cette pollution à travers les engrais phosphatés, riches en cadmium. Ces derniers contaminent progressivement les terres agricoles. L’industrie joue également un rôle majeur . La métallurgie, la combustion du charbon et l’incinération des déchets diffusent du cadmium dans l’atmosphère. Enfin, des pollutions anciennes, issues de sites industriels abandonnés ou mal dépollués, continuent de relarguer ce métal des décennies après l’arrêt des activités. Ainsi, l’exposition au cadmium est diffuse, invisible, mais persistante. Il circule, se dépose et s’accumule dans notre environnement.

Des dégâts environnementaux

Une fois libéré, le cadmium agit comme une bombe à retardement. Il se fixe durablement dans les sols, se dissout dans l’eau et franchit les barrières biologiques. Dans les terres agricoles, son accumulation réduit la fertilité et modifie l’équilibre chimique, rendant certains nutriments moins disponibles pour les plantes. Dans les milieux aquatiques, il migre vers les nappes phréatiques et les rivières, contaminant aussi bien l’eau potable que les zones de pêche. La bioaccumulation complète ce tableau inquiétant. Car les végétaux absorbent le cadmium. Et le cadmium s’accumule ensuite dans les mollusques et les poissons, avant de remonter la chaîne alimentaire jusqu’à l’être humain. Les écosystèmes aquatiques en sont les premières victimes. Des concentrations trop élevées peuvent entraîner des mortalités massives d’invertébrés et de poissons, perturbant l’équilibre de tout l’écosystème.

Des ravages sanitaires

Le danger du cadmium ne se manifeste pas par une intoxication brutale, mais par une exposition chronique, silencieuse, qui s’installe au fil des années. Ses effets sur l’organisme sont multiples. Les reins sont particulièrement vulnérables, car le cadmium s’y accumule et altère progressivement la capacité de filtration, provoquant parfois une perte de protéines. Les os sont également touchés : en perturbant le métabolisme du calcium et de la vitamine D, ce métal fragilise la structure osseuse et accroît le risque de fractures, comme l’a tristement montré la maladie d’Itai-Itai au Japon, provoquée par la consommation de riz contaminé. Le cadmium est aussi reconnu comme cancérogène certain par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) : il est associé au cancer du poumon, et des études suggèrent son implication dans d’autres cancers comme ceux de la prostate, du sein ou du pancréas. Enfin, il agit comme un perturbateur endocrinien, altérant la fertilité et pouvant nuire au développement embryonnaire. Certains groupes sont particulièrement exposés. Les enfants, qui absorbent davantage de cadmium via l’alimentation, les femmes enceintes, et les fumeurs, puisque le tabac concentre naturellement le cadmium contenu dans les sols.

La France en première ligne

Les études de biosurveillance menées par Santé publique France révèlent une augmentation inquiétante de l’imprégnation au cadmium entre 2006 et 2016. Nos organismes accumulent donc de plus en plus ce métal, principalement par l’alimentation. Le pain, les céréales, les pommes de terre et les légumes à feuilles sont parmi les principaux contributeurs. Les produits de la mer, notamment les mollusques et les crustacés, peuvent également en contenir des niveaux élevés. La situation française est préoccupante : du fait de l’usage intensif d’engrais phosphatés, l’exposition y est plus importante que dans certains pays voisins. Les enfants apparaissent comme la population la plus vulnérable, en raison de leurs besoins nutritionnels spécifiques et de leur consommation proportionnellement plus élevée d’aliments contaminés.

Contre le cadmium, des moyens d’action ?

Face à ce constat, des mesures existent, mais elles restent encore insuffisantes. L’Europe a fixé des seuils de cadmium pour les engrais phosphatés. Mais nombre de scientifiques et d’ONG jugent ces limites trop élevées. Certains pays, comme la Suède, militent pour un durcissement significatif de ces normes. Des limites maximales ont aussi été imposées dans certains produits alimentaires. Mais elles n’empêchent pas une exposition chronique au quotidien. Sur le terrain, des pratiques agricoles alternatives peuvent contribuer à réduire le problème : l’agriculture biologique ou la rotation des cultures permettent de limiter l’accumulation dans les sols. Des techniques innovantes comme la phytoremédiation – qui consiste à utiliser certaines plantes capables d’absorber le cadmium – pourraient constituer des perspectives intéressantes, mais elles nécessitent du temps et des investissements.

Enfin, l’information du public demeure essentielle. En diversifiant leur alimentation et en étant mieux informés, les consommateurs peuvent réduire leur exposition cumulée.

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